HACAB
HACAB : Human-Animal Collectives Assisting the Biosphere (2023-2027)
Porteurs du projet : Véronique Servais (LASC) et Bruno Frère (PragmApolis), avec Andrea Petitt (LASC)
Financement : Projet Action de Recherche Concertée (ARC) ULiège
Description du projet
Le projet de recherche HACAB est un projet multidisciplinaire (sociologie, anthropologie, communication studies) dont le point de départ est la question suivante : est-il possible, à l’heure du réchauffement climatique, de contribuer à construire des collectifs politiques incluant tous les êtres subalternes qui en sont principalement victimes ?
Si les discours critiques des subalternités humaines (la classe ouvrière au carrefour des XIXe et XXe siècle, les femmes et les minorités raciales au XXe siècle) ont trouvé des moyens de participer aux débats publics, c’est notamment parce qu’ils pouvaient compter sur un langage commun pour se faire entendre. Mais ces perspectives critiques n’ont pas vraiment pris en compte la manière dont la modernité affectait les individus et les groupes subalternes non humains, tels que les animaux.
Le projet HACAB relève le défi de se demander s'il est possible d'établir une voix commune inter-espèces afin de dessiner les contours d'un collectif politique et écologique capable de porter en commun, avec les animaux exploités, un projet partagé dans l'espace public. L'objectif du projet est d'étudier les possibilités d'un discours politique avec les animaux, et de travailler à une politique multi-espèces. En tant que tel, il vise à articuler les études animales et les études de communication homme-animal avec l'intersectionnalité et les anciennes théories critiques de la domination, afin de construire une théorie et une méthodologie critiques inter-espèces. Il vise aussi à explorer des points de départ empiriques qui pourraient contribuer à résister à l’asservissement et la destruction de la terre.
Quatre ensembles de travaux
Le projet s’organise en quatre ensembles de travaux (WP) :
WP1
Analyse critique de l’histoire conceptuelle et méthodologique de la sociologie occidentale.
Cet ensemble de travaux est mené par le Dr. Sam DUCOURAN dans le cadre d’une bourse post-doctorale de 24 mois (février 2025 – janvier 2027). Il retrace l’histoire conceptuelle de la place des animaux dans les théories critiques de la domination, telles qu’elles ont été élaborées au sein de trois traditions : l’École de Francfort (de Marcuse à Honneth), l’École Américaine (avec Fraser, Butler et Laclau) et l’École Française dans le sillage de Bourdieu. Nous nous demanderons quelle place ces traditions et ces auteurs ont faite aux animaux dans leurs travaux et nous essayerons de comprendre les raisons pour lesquelles ces derniers ont été ignorés. Ce premier travail a également pour objectif de contribuer à formuler une théorie critique qui considérerait ensemble humains et animaux.
WP2
Ethnographie des communications humains-animaux dans un sanctuaire pour animaux de ferme.
Cette étude est menée par Swad BRUNEEL dans le cadre d’une bourse de doctorat de 4 ans (Octobre 2023 – Septembre 2027). L’enquête part du principe que, comme l’ont montré les subaltern studies, la question du langage et de la communication est intimement liée à celle de la participation politique. Les ethnographies existantes de sanctuaires indiquent qu’humains et animaux y reconstruisent des relations sociales et politiques à travers les routines des interactions quotidiennes. Le principe de cette enquête est de nous permettre de théoriser ces relations « à partir du terrain » et de ce qu’humains et animaux font réellement ensemble. L’objectif est également de montrer la manière dont les agencements matériels des uns et des autres permettent aux animaux de faire entendre leur voix.
WP3
Étude ethnographique de culture multi-spécifiques non européennes: le pastoralisme en Mongolie.
L’enquête est réalisée par le Dr. Andrea PETITT dans le cadre d’un post-doc de 36 mois (avril 2024 – mars 2027). Cette enquête ethnographique a pour objectif d’étudier le potentiel de politiques multi-espèces dans des communautés vivant aux marges de sociétés occidentales façonnées par les relations productivistes. Elle portera sur les relations entre éleveurs, chevaux et bétail, là où les éleveurs vivent très proches de leurs animaux et laissent à ceux-ci un certain degré d’initiative et de contribution aux décisions qui les concernent. Cet ensemble de travaux apportera des données comparatives pour le WP2 et offrira aussi l’occasion d’envisager les théories critiques, qui ont été développées dans des sociétés éloignées de ces cultures pastorales, à l’aune de ces dernières.
WP4
Analyse conjointe globale en vue de développer une théorie et une méthodologie favorisant les pratiques émancipatoires de construction d’un monde commun dans différentes cultures multi-espèces.
Cet ensemble de travaux sera dirigé par un troisième post-doctorant engagé pour 18 mois au cours de la dernière période du projet. Son rôle sera d'aider à incorporer des champs et des données conceptuelles afin d'opérationnaliser l'enjeu original du projet : construire une théorie et une méthodologie critiques inter-espèces ainsi qu'explorer des points de départ empiriques qui pourraient contribuer à résister à l'asservissement (et à la destruction) de la terre.
